C’est une histoire qui a pour lieu, Paris la belle en l’an de Dieu. 1482

1966 to 1984 + If you are lucky enough to have lived in Paris as a child, then wherever you go for the rest of your life, it stays with you, for Paris is a moveable feast.

Colette, Chaussette…Cosette.

Paris, l’endroit idéal pour les amoureux d’histoire, d’arts et de littérature. L’image fait rêver tant elle relève d’une poésie idyllique sortant tout droit des recueils des plus grands poètes. Notre-Dame et son quartier latin, les Grands Boulevards du XIXème siècle construit par ce cher Georges Eugène Haussmann, les Champs-Elysées et son arc de Triomphe, la Tour Eiffel, le pont des artistes, Montmartre, les Tuileries, le Palais du Louvre, le jardin du Luxembourg… Des lieux d’une beauté architecturale et d’une poésie inégalable destinée à faire chavirer le cœur des plus sensibles. Au diable les barricades, les catacombes et le passé sombre d’une ville dévorée par la famine et le choléra, aujourd’hui la ville n’était plus qu’un petit bijou pour ceux qui savaient bien la regarder et l’apprécier à sa juste valeur. Les touristes avaient une excellente raison de faire de Paris leur ville fétiche, personne ne pouvait arguer sur le sujet, non. En soi, il n’y avait vraiment que les parisiens pour ne pas faire attention à la chance qu’ils avaient d’habituer dans une ville aussi magique. Eh oui, que voulez-vous, plus le temps passe et plus les gens sont pressés et n’ont dès lors plus le temps de s’intéresser aux beautés qui les entourent. C’est désolant, triste, affligeant. Ne pouvait-on pas revenir ne serait-ce qu’une seconde au XIXème siècle ? Cette période où la ville brillait de mille feux en ne cessant de grandir et de s’enrichir en beauté de tout genre. Ou lors même au temps des cathédrales ! Qu’importe, tant que la ville pouvait atteindre de nouveau son apogée… Monsieur et Madame de Clergeau auraient tout fait pour retourner aux temps de la Belle Epoque, quittant ainsi ces gens trop occupés à protester contre le capitalisme pour mieux ignorés la noble chance qu’ils avaient d’appartenir à la France…   Le couple était las et regardait l’évolution de l’Histoire de la France avec mépris. Au diable l’innovation, il y en avait eu déjà assez avec l’instauration de la laïcité en 1905 ou avec le droit de grève ou autres droits sociaux mis en place par les socialistes des années 30 ! La famille prônait un catholicisme pur et dur – Eglise tous les dimanches, baptême, mariage à l’Eglise, guerre au divorce et l’avortement – et une passion inébranlable pour la monarchie de droit de divin. Ah, ce cher Louis, si seulement il était là pour voir ça, le pauvre que penserait-il ? Que le monde était tombé dans une bien belle pagaille depuis sa mort… Avec des parents aux idéaux aussi affirmés, les deux petites filles issues du couple pouvaient-elles seulement en échapper ? Non, bien sûr que non. Leur chemin était d’ores et déjà tracé, impossible de le contourner. La petite Astrid n’avait donc jamais vraiment eu le choix de quoi que ce soit : à l’instar de Cosette, tout lui était toujours imposé et aucune alternative n’était possible. Le seul détail la différenciant de l’enfant des Misérables : elle était loin d’être maltraitée. Certes, elle n’avait pas d’autre choix que de suivre une éducation bourgeoise stricte, mais au fond, était-ce bien là un mal ? Astrid ne se posait pas vraiment la question, se contentant de satisfaire ses parents malgré leur préférence évidente envers leur fille aînée. Une fois encore, elle n’avait pas le choix.

Fantine + I want to break free.
Avoir une éducation digne de la plus grande noblesse monarchique anglaise – ou bien française avant la Terreur et la monarchie constitutionnelle française bien sûr – pouvait avoir du bon. Astrid était tout ce qu’il avait de mieux éduquée, fille prodige au talent indéniable et beauté brute du siècle passé. Elle intriguait, fascinait, et tout le monde tombait sous son charme dès lors qu’elle commençait à jouer du piano. La musique avait toujours fait partie de son éducation – comme toute fille de bonne famille se croyant noble – alors Chopin, Mozart, Bach, Vivaldi… Ils n’avaient plus aucun secret pour elle et en fermant les yeux il était bien facile de s’imaginer tous ces grands compositeurs en train de partager leur talent avec vous. De cette manière, la petite Cosette du monde bourgeois avait fait place à une demoiselle au cœur tendre prête à vivre d’amour et d’eau fraîche sur une mélodie de Chopin en arrière fond. Il n’y avait vraiment rien de compliqué dans l’esprit d’Astrid, sa vie se déroulerait selon le schéma d’un bouquin de Jane Austen en mieux, beaucoup mieux. Malheureusement pour elle, les plus grandes espérances sont les plus difficiles à combler. Dans son cas, il n’avait pas eu besoin de grand-chose pour tout réduire à néant. Son aînée était plus belle, plus talentueuse en tout, plus appréciée dans le « grand monde », au centre de l’attention de tous les autres et bientôt fiancée à un homme presque aussi riche que Crésus… Astrid était quelque peu habituée depuis le temps, mais avec l’esprit de rébellion qui remplaçait peu à peu ses rêves d’enfant, la brune commençait à aspirer à plus. Son aînée était peut-être parfaite aux yeux de ses parents, mais elle avait l’imagination et l’intelligence qui lui manquaient. Ce n’était peut-être pas suffisant aux yeux de la haute société parisienne mais ce fut ce qui lui permit de prendre son envol en quittant la prison dorée qu’était son fabuleux appartement parisien. Oh rien de bien compliqué à l’origine de cette évasion, seulement l’amour. Rencontre banale lors d’une soirée mondaine avec quelques regards et promesses engagées et le tour était joué.

Chartres - 1984 to 2013
+ They are very much in love, and that is obvious if you only spend a few minutes in their company. Without wishing to sound negative, they are the sort of couple who are so in love that the children are secondary to the parents’ love story. She is very unguarded and genuine, and, in a way, really an innocent, and he just sits there looking at her adoringly and saying not an awful lot. They need each other very much.

Thernardier+ Master of the house.

“Epouse-moi”. Deux mots, une promesse, un futur. Si le mariage commençait à sacrément perdre de sa valeur au cours des ans – plus de la moitié des mariages se terminent en divorce si ce n’est plus, ça donne de l’espoir – l’union d’Astrid à monsieur Louis Henri Charles de Brissac lui avait permis de se libérer entièrement de l’emprise de ses parents. Elle n’avait que dix-huit ans, elle était belle, rebelle et un grain de folie parcourait ses yeux ambrés. Autant dire qu’elle avait vraiment tout pour elle sans vraiment s’en rendre compte directement. Tout se passait exactement comme dans un roman de Jane Austen : son mari était exactement l’incarnation de tous ses désirs de petite fille, l’homme pour qui elle était prête à sacrifier sa propre vie, l’homme avec qui elle voulait passer sa vie jusqu’à son dernier souffle. De nos jours le mariage perdait peut-être de son sens pour le commun des mortels, mais tous les vœux qu’Astrid avait prononcés lors de la célébration de son mariage respiraient la sincérité la plus pure qui soit. Dans la santé comme dans la maladie, jusqu’à ce que la mort les sépare, dans la richesse et la pauvreté… ça pouvait paraitre vieux jeu, d’une niaiserie à faire vomir tous les êtres dénués d’une âme amoureuse, mais dans leur cas c’était beaucoup plus puissant que, les mots allaient au-delà des actes. Ils n’étaient pas un couple d’amoureux, ils étaient un duo indissociable l’un de l’autre, la continuité de l’enveloppe charnelle de l’autre. Le problème avec ce genre de couple, c’est qu’ils ont beau être puissants, un rien peut tout faire basculer. Astrid avait renoncé à la richesse pour son mari ainsi qu’à sa probable future carrière de pianiste, elle avait accepté le déshonneur – se marier à une famille noble désargentée à cause d’une histoire de nazi, quelle idée ? – et pourtant ce ne fut que l’arrivée de leur premier enfant qui bouleversa leur vie jusqu’ici douillette et confortable pour un jeune couple marié. Avoir un enfant était la continuité du mariage, un moyen de perpétuer une longue lignée pour éviter qu’elle ne soit essoufflée au fil du temps. Et pourtant. Personne ne disait aux futures mères à quel point donner la vie était beaucoup plus significatif que sortir un être humain de sa chair. C’était un dépassement de soi, un changement dans la morphologie du corps et de l’esprit. C’était effrayant, ça demandait des sacrifices, une part d’abandon également. Peut-être qu’après tout elle n’était pas prête à se lancer dans une vie de mère… Dix-neuf, puis vingt-et-un ans. C’était presque de la folie de se lancer là-dedans, une folie qu’il fallait écarter à tout prix. Iseult-Marie Pandora de Brissac, Tristan de Brissac. Deux enfants parfaits sur tous les points et qui pourtant n’arrivaient pas à intéresser Astrid. C’était vraiment horrible de penser une telle chose de ses propres enfants mais il n’y avait rien à faire. Astrid essayait d’être une bonne mère, vraiment, mais il fallait croire qu’elle n’arrivait pas à s’y prendre avec ses rejetons pour la simple et bonne raison qu’elle ne s’intéressait vraiment qu’à son mari. Et pourtant, ce n’était pas faute d’avoir longtemps multiplié les tentatives d’approches avec eux avant de finir par abandonner. A quoi bon s’acharner sur une cause perdue ? Elle les aimait vraiment, mais à une manière qui lui était bien propre. A force de vouloir s’investir dans son rôle de mère, il fallait croire que la pauvre Astrid était devenue totalement folle, c’est tout. L’argent et les apparences n’étaient plus que les seules choses qui l’intéressaient autant que son cher mari. Vivre dans un château, c’était bien sympathique mais encore faudrait-il qu’il soit en bon état et non en ruines. Les apparences, la réputation. Voilà des sujets bien intéressants. Et dans le cas des de Brissac, il n’y avait bien que l’argent qui pouvait les sauver de la déchéance sociale… Petits boulots à l’abri des regards indiscrets pour renflouer le compte bancaire, ruse par-ci par-là pour récupérer de l’argent  à la limite de l’illégalité…Et même Iseult. Il n’avait pas fallu bien longtemps pour que ce Voltaire et son argent ne convainquent les parents de Brissac de leur laisser leur fille. Une bien belle connerie qu’Astrid aura mis une bonne dizaine d’années à comprendre.

Jean Valjean +  Redemption.
Tout le monde fait des erreurs, nul besoin d’être un vieux sage pour le savoir. D’ailleurs les erreurs ne font-elles pas avancer d’après les adages ? Oui, c’est ce qu’il se disait, sauf que dans certains cas, les conséquences de ces erreurs sont beaucoup trop lourdes pour qu’elles s’effacent en un claquement de doigt. En tant que bonne chrétienne, Astrid croyait vraiment que la confession était un bon moyen d’alléger sa conscience quand les apparences étaient trop difficiles à maintenir aux yeux du grand monde. Tristan était parti de la maison sans prévenir personne à seize ans, elle avait plus ou moins vendu Iseult au premier riche « noble » venu… Autant dire que la relation avec ses enfants ne s’était pas améliorée au fil des années… Sur le moment, ce n’était pas vraiment ce qui préoccupait le plus Astrid. Bien évidemment, être détestée par ses propres enfants était bien triste mais ce n’était pas comme si elle ne l’avait pas cherché. La pauvre était tellement coincée dans un monde qui lui était propre qu’elle n’avait même plus conscience de ce qui se passait à l’extérieur de son esprit. Ce n’était pas vraiment une bonne excuse, mais à quoi bon revenir sur le passé ? Ce qui était fait n’était plus à refaire. Et pourtant, au lieu de se bonifier au fil des années à l’image d’un bon vin du terroir français, les parents de Brissac enchaînaient les bourdes. « Papa, maman, je suis lesbienne. ». L’annonce d’Iseult à son retour après bien des années avait eu l’effet d’une bombe. Lesbienne. Elle aimait les femmes, elle désirait des femmes. Non, impossible. Comment diable pouvait-elle être lesbienne ? Elle n’avait aucun droit de lui balancer une chose comme ça, elle avait un petit cœur fragile ! « Par la barbe de Merlin. » fut la première chose qu’elle trouva à dire avant de totalement se brusquer. Une fois de plus, Astrid n’arrivait pas à avoir la bonne réaction avec sa fille. Elle l’aimait, vraiment, mais elle n’arrivait pas à la comprendre. Et bien évidemment, la compréhension est une des bases les plus importantes dans l’élaboration d’une relation stable. La suite avait été d’une simplicité enfantine. Iseult était repartie, les de Brissac avaient continué leur petite vie et leur envie de défier les apparences. Puis l’inévitable arriva avec la mort de Monsieur de Brissac. Autant dire que le monde de cette pauvre Astrid se retrouva réduit à néant au même où son mari donna son dernier souffle. Toute sa vie, elle n’avait vécu que pour lui, elle ne s’était sentie vivre que par sa présence et puis du genre au lendemain…plus rien. Tout ce qui lui restait de son merveilleux mari – apparemment la chose qui comptait le plus à ses yeux – c’était les deux merveilleux enfants qu’elle avait eu avec lui. L’heure était maintenant à la rédemption, que Dieu – ou bien Iseult en l’occurrence – lui pardonne ses péchés et lui accorde une seconde chance. Il lui faudrait beaucoup de patience pour se rattraper mais désormais c'était tout ce qui lui restait.