Oh yes I'm the great pretender. Adrift in a world of my own. I play the game but to my real shame, You've left me to dream all alone.

Assis sur le perron, à côté de sa jeune soeur endormi, Caleb regarde le soleil se lever petit à petit, essuyant les larmes sur son visage. Il a attendu. Toute la nuit. Ou toute une journée. Qui le sait vraiment ? Pas lui. Seul les traces séchées des larmes sur ses joues pâles prouvent son état de choc. Tout lui revient comme au ralenti. Son coeur étant en ce moment aussi dur que la pierre sous la douleur qui l'obsurcit. La nuit, aussi semblable qu'une autre. Mais pas pour lui. Il avait une mission. Celle de réveiller son père à 3h00 du matin pile. Que lui, pas sa mère, shootée aux somnifères. Rien que son père. Peut être aurait-il du s'en douter ? Un père qui n'a jamais aimé ses enfants ne peut pas faire ce genre de promesse. Une valise posé devant lui, Caleb regarde son père rassembler ses dernières affaires sans comprendre. Attrapant son chapeau, il le fait glisser sous le bureau, espérant ainsi qu'il ne le voit pas et l'oublie derrière lui. Pour le faire revenir. Ses yeux verts brillent toujours autant dans la clarté du petit jour. Une lueur qui n'est pas celle qu'il avait avant. Le blond a mal. Une douleur sinueuse dans son coeur et dans sa tête. Qui tape un rythme douloureux dans son cerveau. Parti. Parti. Parti. Le souffle régulier de sa soeur sur sa main le fait frissonner et il passe une main dans ses cheveux roux, inconsciemment. Une tape sur la tête et un demi-sourire. Tu es un bon gars, Caleb. Reste comme ça et crois moi, le monde te mangera dans la main. Je vais bientôt revenir, dans 1 heure maximum. Prépare ta valise et attend moi devant. Un sourire aux lèvres et Caleb court dans sa chambre, s'emparant de quelques vêtements, son coeur bondissant d'une joie encore inconnu. Il regarde la voiture de son père partir et il s'assoit sur les marches, sa valise à côté de lui, habillé rapidement. Mais les minutes passent et les heures. Rejoint par sa soeur, réveillé par la soudaineté de sa disparition, les deux fixent la route, les yeux vides. Âgés de 8 et 7 ans, les deux ne sont pas pour autant nés de la dernière pluie. Grand frère, il est parti où Papa ? Il va revenir ? Son regard vert croise le regard bleu de sa soeur, si similaire au sien en cet instant et avec toute sa volonté, il forge un sourire sur ses lèvres. Ne t'en fais pas. Je suis là moi. Toujours. Et les voilà maintenant, ce matin d'Octobre, à moitié endormi devant leur porte, leur mère s'éveillant d'un sommeil sans rêves pour retomber dans un sommeil encore plus déchaîné. Plus tard, il pensera que tous ses problèmes mentaux viennent de ce moment là. Le moment où les rêves et les espoirs d'un garçon, qui n'attendait que d'être impressionné par son père, ont disparu. Remplacé par cette soif de colère et de violence.

So you try your best, to get out of this mess. But that's just a joke. You've never awoke to the sound of a mother screaming at night

Vivre avec le nom de son père est lourd. Un poids trop difficile pour un garçon de son âge. Les autres rigolent derrière son dos, les professeurs ont pitié de lui, sa mère n'est plus qu'une ombre et sa tête le démange. Des voix qui lui demandent de faire et dire des choses dont Caleb n'a pas envie. Mais comment lutter quand la vie devient un peu plus un enfer ? Les voix sont presque comme des amis pour lui, qui lui susurre des mots doux à l'oreille tandis que ses camarades de classe s'esclaffent face à lui. O'Leary. Le nom maudit. Le blond regarde autour de lui sans trouver de main secourable. A part auprès de Lexie, sa soeur cadette. Sa jolie poupée aux yeux de biche. Caleb se retient pour elle et pour continuer de voir son sourire. Il force leur mère à bouger pour ne pas se voir mis dans un foyer, loin d'elle. Lexie est tout pour lui. Son présent et son futur. Et sans sa présence, les voix prennent leur place, annihilant toute sa bonne volonté. C'est peut être pour ça que Caleb est parti. Pour oublier son quotidien trop chargé. Et surtout pour assouvir sa première tâche. Celle que les voix lui répètent sans arrêt. Trouve le et arrache lui les yeux. Trouve le et on fera le reste. Trouve ton père Caleb et fais de lui un exemple.
La route est longue. Il n'a pas beaucoup mangé et ses forces s'amenuisent. Mais les voix commandent. Elles sont son échappatoire. Voilà plus de deux semaines qu'il cherche. Sans aucune information, ni aucune adresse. Caleb erre sur les routes, usant tour à tour de fausses identités. Comme s'il était né avec ça dans le sang. Le blond regarde et esquive la police, il cherche sans rien trouver. Son estomac crie famine et ses yeux se ferment de fatigue. Mais il doit continuer ou elles ne se tairont pas. Dans son esprit de jeune adolescent de 13 ans, un schéma s'est imposé. Accomplir la mission pour se débarrasser des voix. Elles l’insupportent, l'énervent et le rendent nerveux. Comme si une mouche tournait sans arrêt dans son crâne, évitant avec souplesse chaque coup ou chaque piège pour l'éliminer. Le blond s’étonne de ne pas être encore tombé de fatigue sur la route quand soudain, une publicité attire son regard. Son père, sourire colgate aux lèvres, une bouteille de détergeant dans la main, fait la une des journaux de cette ville. Et le black-out. Ses pas l'ont conduit dans un pub où il s'est vu faire des recherches. Mais impossible de reprendre le contrôle. Comme si les voix avaient fini par le pousser dans ses retranchements. Mais Caleb ressent tout. La fatigue, la peur, les frissons sur sa peau et les regards insistants sur sa silhouette. Ses pas lents mais surs. Caleb ne peut rien faire. Ou il tente de se convaincre qu'il ne peux pas. Le blond a peur. Peur de lui-même et de ce qui se passe dans son cerveau. De ce qu'il peut faire sans le vouloir. Voir son corps accomplir des choses dont il n'est pas le maitre. Des frissons le parcourent et finalement, la maison de son père se profile face à lui. Une petite maison, semblable à la sienne. Dans le style de l'époque. Rien de bien compliqué. Son regard se voile quand il finit par se trouver devant la fenêtre. Une famille. Cet enfoiré a refait sa vie. Les oubliant derrière lui, Lexie et lui. Une colère sourde se réveille en lui, les voix jubilant dans sa tête. Un tigre saute à travers la fenêtre et déchiquete son père et sa famille sous ses yeux, lui souriant comme un bien heureux... Fermant les yeux quelques secondes, le tigre disparait et son père est toujours en train de manger un bon repas à ce qu'il lui semble. Sa tête lui fait mal. Elle brûle et Caleb se retient de crier. Il ne peut pas lui faire de mal. C'est son père. Mais il retient cette image dans son esprit. L'imprimant, afin de contenter les voix. J'ai compris. Je le déteste, arrêtez maintenant. Et tandis qu'il reprend la route, errant encore plus qu'à l'aller, à l'état de parfait SDF, il s'écroule sur le bord de la route, 5 kilomètres plus loin pour se réveiller sous les yeux furibonds de Lexie qui l'incendie et l'insulte de tous les noms. Sa bonne vieille Lexie. Elle serait magnifique avec la gorge tranchée.

I can't escape this hell, so many times i've tried. But i'm still caged inside. Somebody get me through this nightmare, I can't control myself

Sa tête tourne. Mais il ne comprend pas. Son coeur palpite et ses mains tremblent. Caleb ne sait même pas où il est. La pièce est sombre. Beaucoup trop. Son dernier souvenir : ce mec l'a énervé, il a joué avec ses nerfs et s'est foutu de son nom de famille, récemment changé en Oswald. Et puis, maintenant, il ne sait plus. Une odeur le dérange mais il n'arrive pas à comprendre. Les voix rigolent dans sa tête. Caleb tâtonne, sa main plongeant dans un liquide étrange. Visqueux et collant. Son coeur accélère encore plus mais plus rien ne semble l'arrêter. Trouvant enfin l'interrupteur, son coeur fait un bon avant de reprendre à un rythme effréné. Le corps de l'homme est en face de lui, méconnaissable si ce n'est pour ses foutus bottes de cowboy rouges. Visage lacéré, doigts coupés et étalés autour de lui comme une couronne, le sang glissant sur la table lentement, provoquant un bruit dérangeant. Voilà d'où vient l'odeur. Combien de temps est-il là à regarder son massacre ? Pourquoi était-il encore là à profiter de cet horrible acte ? Les larmes coulent sur ses joues et il s'assoit contre le mur, les mains sur sa tête. ARRÊTEZ ! Pourquoi ? Et les voix qui rient pour mieux s'infiltrer dans ses veines. Ses voix qui ne l'ont pas quittés depuis 8 ans. Des voix qui lui ont tour à tour suggérer de tuer sa sœur, sacrifier sa mère, empaler sa petite amie, bruler son professeur de criminologie. Tout un enchevêtrement qui l'a mené à commettre ce meurtre. Son coeur sec se fendille à nouveau, ses larmes coulant le long de ses joues, se mêlant au sang de sa victime qui tâche ses vêtements. Dangereux et impuissant. Caleb est un déséquilibré. Et il doit être enfermé. Le temps de se contrôler. Loin de la société et loin des possibilités que la vie lui offre. Comme de vivre une vie normale. Jamais il ne le pourra. Et en composant le numéro de la police, les voix s'affolent. Ne fais pas ça. Tu as besoin de nous. De ça. Tu le sais. Des voix bien trop persistantes. Mais Caleb n'abandonne pas. La prison l'attend et sa tête se reposera peut être. S'il ne choisit pas d'en finir avec ses jours avant.

If you feel so empty, So used up, so let down. If you feel so angry,So ripped off so stepped on. You're not the only one.
Refusing to back down, You're not the only one. So get up

6 ans de prison ferme. Pas assez d'après lui mais c'est toujours mieux que rien. Lexie ne comprend pas et l'a délaissée. Tant mieux. La rousse n'aura pas à craindre pour sa vie maintenant. Les médecins disent qu'il ne va pas bien. Sans blague, les génies, ont-ils devinés ça comme des grands ? Assis dans sa cellule, le regard planté sur le mur gris, les voix papillonnent pour mieux l'assaillir. Mais en 4 ans, il a réussi à les contrôler, ne serait-ce qu'un peu. Il peut les faire taire et s'offrir quelques heures de sommeil. Les oublier pour mieux se concentrer sur ses prochaines résolutions. Ne plus aller dans les douches. Certains sont trop en manque et c'est pas forcément son genre. Enfin il le croyait. Se collant une baffe pour reprendre ses esprits, Caleb donne un coup de pied dans le lit au dessus du sien, faisant grogner son propriétaire. Hey, Erikson. Il te reste des cigarettes ? Un paquet s'étale sur le sol avec le bruit du briquet qui tombe à côté de lui. Avec un sourire en coin, Caleb l'attrape et l'allumer rapidement, une vague de plaisir montant en lui tandis que la fumée se fraye un chemin dans sa gorge. Merci, mec ! Si j'en trouve, je t'en repasse. Du sang se met à couler du lit et la pièce se colore de rouge, des cris résonnent et des rires. Les voix qui rient. Aspirant une longue bouffée de cigarettes, la réalité se remet en place autour de lui et en se rallongeant dans son lit, Caleb tente de ne pas y penser. Et d'oublier ses actions passés. Ses hallucinations et ses peurs.

No time for goodbye he said as he faded away. Don't put your life in someone's hands, they're bound to steal it away. Don't hide your mistakes 'Cause they'll find you, burn you.If you want to get out alive. Run for your life.

29 ans. De longues heures à se demander comment il a fait pour y arriver. Pour tenir jusqu'ici. Pour ne pas complètement péter les plombs et assassiner la moitié de la ville avant d'être exécuté. Une sorte de vengeance sur les voix. Il profite aujourd'hui. Réussissant à les contrôler -plus ou moins- Caleb fait tout ce qu'il s'est interdit ses dix dernières années. Boire, jouer, rire et se faire des amis. Draguer et se faire draguer - bien qu'il ne soit pas doué à ce jeu là. Avoir un boulot et en être fier. Regarder les autres et ne plus les imaginer en sang. Pouvoir jouir des petites choses. Sans réel contact direct avec son ancienne vie, sa soeur ne donnant plus de nouvelles depuis son séjour en prison. Une nouvelle vie. Un nouveau job. Intéressant d'ailleurs. Son patron bosse pour Scotland Yard. Un grand détective à ce qui parait. Surtout soupe au lait oui. S'il est si doué, pourquoi a t'il tant besoin de lui ? Et depuis peu, ils se retrouvent souvent. Trop, de l'avis de Caleb. Dépendant l'un de l'autre, ça n'allait pas faire long feu. Faut dire qu'en même temps, le patron n'est pas mal du tout. Enfin, s'il avait vraiment des goûts pour les hommes prononcés, ce qu'il refuse de s'avouer. Un message sur son portable et le numéro qu'il connait par coeur depuis 2 ans. Oui, détective, je suis bien placé là où vous me l'avez si gentillement demandé. [...] Hé, le gars y sort quand il sort, je vais pas lui coller une bombe au cul pour qu'il rapplique ! [...]T'as qu'à venir toi même si t'es pas content. Mais j'oubliais, t'as trop peur de te faire prendre à bosser avec un ex-taulard meurtrier. J'te rappelle quand c'est fait, abruti. Grognant contre son interlocuteur, Caleb range sèchement son téléphone pour fixer la porte du bar. Là où son plus gros client de la semaine se prend du bon temps avec une strip-teaseuse. Non pas que ce soit une mauvaise idée mais le gars a vendu pas mal de ses filles à l'étranger pour des armes. Alors forcément, faut le chopper. Et qui de mieux que l'agent Oswald ? Classe hein ? Ici, à Yellowsky, les gens trouvent que ça lui donne un truc chic. Ils savent juste pas à quoi s'attendre de sa part. Et en voyant son client sortir du bar, la jeune femme sous le coude, Caleb sourit tout en jetant son mégot plus loin. The show must go on