Tandis que le jour se levait sur le quartier de Yellowsky, les lampadaires étaient éteints alors que tout signe d'électricité avait disparu dans la ville. Madame faisait encore des siennes. Elle avait décidé de neutraliser l'électricité de la ville, pour une raison qui m'échappait. Je savais pertinemment qu'elle contrôlait tout, mais de là à nous faire vivre sans lumière ou autre, c'était de la folie. Heureusement, j'avais réussi à mener ma petite enquête sur ma soit-disant demie-soeur. Il s'avérait qu'elle ne m'avait pas menti. Elle était bien la fille de mon défunt père. Mon âme était torturée entre deux envies : celle de la rencontrer, et celle de la détester. Après tout, pourquoi pas faire les deux ?

Je savais qu'aujourd'hui, elle prenait les cours à neuf heures, et c'est la raison pour laquelle j'ai décidé de me rendre à l'université pour faire sa rencontre. Ne sachant pas ce que cela allait m'amener, j'avais bien évidemment pris mon arme de service ainsi que mon badge de police : on n'est jamais sûr de rien. Un banc en pierres se trouvait à ma portée, et je m'asseyais en attendant la venue de l'enfant prodigue. Quelques minutes passèrent, lorsque j'aperçus une silhouette se distinguer de la brume qui était tombée sur la ville. A mesure qu'elle s'approchait, je pouvais distinguer son visage : aucun doute là dessus, elle était bien la fille de notre père. Le même regard, la même forme de visage, et les mêmes cheveux d'une couleur dorée. Evidemment les siens étaient plus longs, mais je pouvais tout de même voir mon père en elle. Je me levai, et m'approchai de la jeune fille.

« Miss Applewood ? Je suis Phoenix Wildmore.»

Lullaby s'était réveillée un peu à l'arrachée ce matin. Elle n'avait plus de réveil, le sien étant électrique et son portable n'ayant plus de batterie, elle se contentait d'une horloge à quartz au tic-tac trop sonore pour qu'elle puisse s'endormir rapidement. De plus, celle-ci était vieille et son « dring » censé la réveiller, passait presque inaperçu. Tout ça à cause d'une madame qui n'en faisait qu'à sa tête et qui voulait montrer sa supériorité. C'était à cause d'elle si ce matin-là, même si elle prenait les cours un peu plus tard, elle était partie en trombe de chez elle, le ventre vide et les affaires en vrac dans son sac. Elle ne rata cependant pas son bus et pria pour que toutes les affaires dont elle allait avoir besoin se trouvèrent dans son sac.

Descendant à l'arrêt de bus, le plus proche de mon université, il lui restait tout de même quelques mètres à parcourir à pied. Se rendant compte qu'elle avait réussi à prendre son bus à temps et donc, qu'elle n'était plus si en retard que ça, elle ralentit un peu son rythme de marche dans le but d'effacer un peu le rouge qui lui était monté aux joues dans sa course. Elle essaye donc de reprendre doucement son souffle et marcha jusqu'à l'entrée, sans rencontrer de camarades de classe. Elle fut surprise de voir une femme s'avancer vers elle et se demanda à un moment si elle venait vraiment vers elle. Quand l'inconnue prit la parole, elle fut vraiment sûre que celle-ci s'adressait à elle et son cœur se serra.

Elle avait réussi à se faire une raison. Elle avait réussi à se mettre à la place de mrs Wildmore, et comprenait le fait que celle-ci ne voulût pas la rencontrer. Mais aujourd'hui, maintenant, tout de suite, elle se trouvait devant elle et Lula ne sût plus trop où se mettre. Replaçant une mèche folle de ses cheveux derrière son oreille, elle réussit à bredouiller quelque chose qu'elle espérait compréhensible. « Que voulez-vous ? Je... Je pensais que vous ne vouliez pas me rencontrer alors je n'ai pas répondu... Je n'ai pas eu la force et le courage de répondre à votre lettre. » Elle baissa le tête et fixa le bout de ses chaussures un instant. Elle préféra marquer une courte pause, pour reprendre ses esprits mais ses idées n'en furent pas plus claires. « Vous vouliez me parler de quelque chose en particulier ? »

« Miss Applewood ? Je suis Phoenix Wildmore.»

Alors que je venais de me présenter, je voyais parfaitement que la demoiselle face à moi était mal à l'aise. Je devais avouer que je ne comprenais pas totalement sa réaction : c'était elle qui était venue vers moi, dans l'espoir de me connaître, et je pense en découvrir plus sur notre - son père. Alors qu'elle était plantée là, devant moi, je l'observais sous toutes les coutures. Elle ressemblait énormément à notre père, à tel point que j'avais l'impression d'avoir un fantôme sous mes yeux.

« Que voulez-vous ? Je... Je pensais que vous ne vouliez pas me rencontrer alors je n'ai pas répondu... Je n'ai pas eu la force et le courage de répondre à votre lettre. » Je la voyais baisser les yeux, comme si elle était intimidée par moi. Après tout, je faisais une tête de plus qu'elle, et elle était tout de même plus jeune que moi. « Vous vouliez me parler de quelque chose en particulier ? » Un tas d'idées me traversa l'esprit, tout comme chercher à la connaître davantage, mais mon côté méprisant refit surface malgré moi. « Je voulais juste vérifier qui vous étiez, afin de savoir si vous ne me mentiez pas. Après tout, il est possible que je me sois trompée. »

La dame la prit au dépourvu. Lullaby pensait qu'elles allaient pouvoir faire connaissance. Une petite lueur d'espoir était même née dans son cœur. Peut-être que finalement, elle pourrait savoir qui était cette autre famille. Qui était sa demie soeur, Phoenix. Le ton qu'employa la jeune femme ne lui plut guère. Elle semblait hautaine et un peu agressive. Lula décida d'être aussi un peu plus froide. Il fallait qu'elle arrête de toujours se laisser marcher sur les pieds. « Bon eh bien maintenant que vous avez vu que je n'étais pas une menteuse. Que me voulez-vous ? Je pensais que vous aviez été claire. Que vous ne désiriez pas me voir parce que c'était dur à admettre. Soit. J'accepte. Qu'est-ce qui vous retiens ici, maintenant ? »

La danseuse jeta un coup d'oeil vers les étudiants qui avançaient vers la grille et fit mine d'être pressée. « Si vous n'avez rien d'autre à me dire, je ne vois pas pourquoi je resterais plus longtemps. » Ce n'était pas son genre d'être aussi franche et sèche mais elle l'avait blessée, il fallait le reconnaître. Et Lullaby n'avait encore rien dit à ses parents. Par manque de temps ? Peut-être. Plus par manque d'envie, en tous cas. Ils espéraient que ses recherches aillent loin et aboutissent à quelque chose. Surtout son beau-père, sa mère ayant préféré ne pas trop dire de choses là dessus. Malgré tout, elle savait qu'elle avait tout son soutien. Il fallait qu'elle leur donne de ses nouvelles bientôt, ils allaient s'inquiéter.

« Je voulais juste vérifier qui vous étiez, afin de savoir si vous ne me mentiez pas. Après tout, il est possible que je me sois trompée. »

Je voyais parfaitement que la demoiselle face à moi était mal à l'aise. Je le comprenais parfaitement après tout. Elle était venue vers moi afin de chercher à me connaître, et moi je l'avais repoussée. Sa réponse était totalement légitime. Mais malgré tout ce que je pouvais penser au fin fond de moi, et ce que j'avais pu lui dire, je voulais la connaître. Malheureusement, c'était plus difficile que je ne pouvais l'imaginer. J'avais toujours imaginé mon père comme étant quelqu'un de fidèle, de dévoué envers sa famille. Et voir ma demie-soeur (brrr, ca me faisait bizarre de penser ca) débarquer dans ma vie du jour au lendemain, c'était difficile à avaler. « Bon eh bien maintenant que vous avez vu que je n'étais pas une menteuse. Que me voulez-vous ? Je pensais que vous aviez été claire. Que vous ne désiriez pas me voir parce que c'était dur à admettre. Soit. J'accepte. Qu'est-ce qui vous retiens ici, maintenant ? »

Ce qui me retenait ? Je l'ignorais. A vrai dire, je n'en savais fichtrement rien. Etait-ce pour moi une manière de renouer avec mon défunt père ? Ou même de renouer avec ma famille? Après tout, depuis le décès de Alexander, j'avais tourné le dos à ma famille parce que je voulais me retrouver seule et me plonger dans ma carrière. En plus, ils n'ont jamais accepté mon choix de métier. Pour eux, c'est trop dangereux. Certes, je me suis déjà pris une balle ou deux, mais je suis toujours vivante. Je connais mon métier.

« Si vous n'avez rien d'autre à me dire, je ne vois pas pourquoi je resterais plus longtemps. » La jeune fille me sortit de mes pensées. Je la voyais regarder autour d'elle, comme si elle cherchait à échapper à la situation. Après tout, c'était elle qui était venue vers moi. « Ne m'en voulez pas, mais j'ai toujours été de nature méfiante, et mon métier m'y oblige. Je vois bien que vous n'avez pas menti, et puis physiquement vous ne pouvez mentir : vous avez certains traits de mon, pardon notre, père. J'ai encore du mal à m'y faire. Cependant, je crois voir que ma présence face à vous ne vous enchante guère, au vu de votre attitude. Je croyais pouvoir chercher à vous connaître, mais il semblerait que j'ai eu tort. C'était certainement encore tôt pour moi. Si vous avez cependant des choses à me demander, je vous en prie. Si non, je ferais mieux d'y aller. »

Elle essayait. Oui, Lullaby essayait de garder sur son visage un masque chargé d'indifférence et teinté d'arrogance qui lui ressemblait bien peu. Comme elle l'avait dit à Phoenix, elle s'était une raison et avait un peu abandonné ses projets. Sans vouloir quitter Yellowsky, cependant, elle vivait avec la réponse négative que la policière lui avait envoyé quelques semaines, quelques mois plus tôt. Ses amis, dont Lyra, avait essayé de la réconforter et lui conseillait de retenter mais Lula s'était entêtée à rester dans son ignorance. Après tout, au départ, c'était sa demie soeur qui ne voulait pas la rencontrer, pas vrai ? Elle avait été claire et ne voulait pas jouer les trouble-fêtes dans la vie de cette femme juste pour une histoire qui appartenait au passé. Des histoires d'antan, qu'aujourd'hui, elle payait durement. Pourtant, cela la fit tilter quand la policière émis l'hypothèse qu'elle devait sûrement y aller. Nooooon. Elle ne voulait pas la voir partir. Son père (son beau-père à vrai dire, mais on s'en fiche) serait fière d'elle quand elle lui annoncerait qu'elle a réussi à amener à bien son projet. Phoenix semblait d'accord, c'était à elle de jouer. C'était son choix de venir ici pour la rencontrer. Inspirant un grand coup, elle se répéta intérieurement qu'elle devait maintenant faire bonne impression. « Attendez. Ne partez pas. Je... je suis désolée. Juste une question. Est-ce que... Désirez-vous me connaître ? Non parce que moi, j'en meurs d'envie. J'ai besoin d'en savoir plus sur votre... hum... notre père. Vous dites que je lui ressemble, je ne sais pas si je dois prendre ça pour un compliment ou non, mais peu importe, là n'est pas la question. J'ai besoin de rapprocher mon univers et tout ce que j'ai toujours connu... avec... avec mes racines, disons. » Bon pour une étudiante en lettres, elle s'était très mal exprimé mais elle était très convaincante avec toutes ces étoiles dans les yeux. C'était à peine si elle ne faisait pas à Phoenix, le coup de tête de cocker. « Accepteriez-vous de passer la journée avec moi ? Tant pis pour les cours, la situation est trop... spéciale. C'est une bonne raison pour passer outre les cours. » Lula roule des yeux en rigolant de gêne. Rien que cela et l'air amusé de Phoenix réussirent à la rendre plus détendue.

« Ne m'en voulez pas, mais j'ai toujours été de nature méfiante, et mon métier m'y oblige. Je vois bien que vous n'avez pas menti, et puis physiquement vous ne pouvez mentir : vous avez certains traits de mon, pardon notre, père. J'ai encore du mal à m'y faire. Cependant, je crois voir que ma présence face à vous ne vous enchante guère, au vu de votre attitude. Je croyais pouvoir chercher à vous connaître, mais il semblerait que j'ai eu tort. C'était certainement encore tôt pour moi. Si vous avez cependant des choses à me demander, je vous en prie. Si non, je ferais mieux d'y aller. »

Tout était chamboulé dans mon esprit. A la fois, j'étais a la recherche de ma fille, mais en plus de ca, j'ai appris que j'avais une demie-soeur, issue de l'infidélité de mon père. Tout cela était assez difficile à encaisser, surtout quand je sais que mon époux me manque. Il y a quelques temps, je ne me serais pas acharnée à rencontrer quelqu'un qui n'appartient pas à ma famille. Mais aujourd'hui, c'était différent. La première lettre de cette jeune fille m'avait fait changer d'avis, même si je ne l'avais pas montré dès le départ. « Attendez. Ne partez pas. Je... je suis désolée. Juste une question. Est-ce que... Désirez-vous me connaître ? Non parce que moi, j'en meurs d'envie. J'ai besoin d'en savoir plus sur votre... hum... notre père. Vous dites que je lui ressemble, je ne sais pas si je dois prendre ça pour un compliment ou non, mais peu importe, là n'est pas la question. J'ai besoin de rapprocher mon univers et tout ce que j'ai toujours connu... avec... avec mes racines, disons. » J'entendais bien que Lullaby n'était pas à l'aise face à moi. assez comique quand même pour une étudiante en Lettres. Je la voyais me regarder comme si elle avait fait une bêtise, ou comme le chat Potté dans Shrek quand il fait les yeux doux. « Accepteriez-vous de passer la journée avec moi ? Tant pis pour les cours, la situation est trop... spéciale. C'est une bonne raison pour passer outre les cours. » Un sourire amusé se dessina sur mon visage. Après tout, elle n'avait pas tort. Autant profiter de l'instant présent. mais il était hors de question que je me laisse faire pour autant. « Sachez que je suis une représentante de la loi, et que je ne peux m'empêcher de vous dire de ne pas sécher les cours. A la rigueur, je préférerais que vous me dites que vous n'avez pas cours car votre professeur est absent. Ca me semblerait plus correct, même si ce n'est pas forcément vrai.»

Lullaby rit à la remarque de sa demie-soeur (il faudrait qu'elle s'y habitude, maintenant). C'est vrai que ce n'était pas très malin de la part de la jeune femme de dire à quelqu'un comme Phoenix qu'elle allait sécher les cours. Les joues un peu rouges, comme un enfant qu'on venait de prendre la main dans le sac, elle s'efforça de se corriger : « Ah, je viens de me rappeler ! Tous mes professeurs ont une épidémie grave de je-ne-sais-plus-trop-quoi et vous avons reçu un message, ce matin-même, comme il n'y aurait pas cours, m'dame ! » Lula rit un peu. Pour déclarer ça, elle avait pris un ton très sérieux mais qui en tenait pas du tout la route. « Est-ce que c'était convaincant ? Parce que sinon, on la refait, cela en me dérange pas ! » Elle avait espéré faire du cinéma pendant un moment et s'était beaucoup entraîné à jouer la comédie et à inventer différents personnages. Maintenant, elle avait été obligée de mettre ce projet entre parenthèses car sa carrière en danse était plus florissante. La danse était sa passion et elle en s'imaginait plus trop faire autre chose. Bien sûr, elle continuait ses études afin de pouvoir faire un boulot sérieux si jamais quelconque complication venait mettre à mal sa carrière. Elle espérait devenir étoile et travaillait dur. Elle manquait d'ailleurs de repos mais s'efforçait à tout conjuguer pour éviter de se retrouver à la ramasse. Son planning était strictement organisé pour tout mais pour une affaire aussi importante que celle-ci, elle pouvait bien se permettre des choses. « Eh bien, donc, mmh... On pourrait marcher ? » La danseuse se retourna vers Phoenix pour regarder sa réaction. Elle était un peu intimidée par l'uniforme de la femme et d'un bref regard, balayant les alentours, elle s'aperçut que d'autres personnes les regardaient également. Elle comprenait pourquoi. Lula n'était pas du genre à avoir des problèmes et les autres étudiants se demandaient sûrement de quoi elles pouvaient bien parler, surtout qu'à des moments elles avaient dû hausser le ton. « Par pitié, éloignons-nous de cet endroit. Cela me met un peu mal-à-l'aise. Surtout que je suis sûre que des rumeurs circuleront après ça. » Avec son regard un peu fatigué en ce moment, elle ne serait pas surprise si des gens déclaraient que Lula se droguait et qu'elle subissait en ce moment-même un interrogatoire pour savoir si elle prenait vraiment ces substances illicites. « Je vous offre le café ? Nous pourrons faire plus amples connaissances et vous pourrez me parler de... » Lula s'interrompit, ne sachant pas quoi insérer après le « de ». Elle préféra ne pas dire le nom de son père biologique et se rabattit sur la policière. « … vous. »