Les serres... Je détestais ces lieux. Je détestais la nature, les arbres, les plantes, le vert... J'appréciais de loin les gros buildings ainsi que la grosse boucane des camions circulant dans les rues étroites des villes. C'était un mode de vie que je préférais à celui que l'on pouvait retrouver en campagne, ou tout autre endroit loin des villes. Ceux qui me connaissaient le savaient très bien; je ne mettais jamais les pieds dans ce genre d'endroits, mais cette fois-ci, c'était pour autre chose. Contrairement aux gens qui venaient ici pour s'émerveiller face à la nature ou tout simplement pour se détendre, j'étais venu ici afin de pouvoir faire du «commerce». Cet endroit était tranquille, loin des regards indiscrets, il n'y avait pas de police, c'était le genre d'endroits parfaits pour ce que je venais faire... Ce n'était pas très légal, mais je m'en foutais. Je bénéficiais d'un montant sur le dos d'une artiste et je vivais bien avec cela. Je n'éprouvais aucun remords, je ne me sentais pas mal, alors, pour moi, il n'y avait pas d'inconvénient. J'ignore si le type qui voulait m'acheter cette toile savait ce que je faisais, mais je m'en foutais. S'il ne voulait pas de cette toile pour des raisons de légalités, je trouverais bien quelqu'un d'autre qui ne s'arrêterait pas à ce genre de détails...

Enfin bref, j'étais venu ici, car j'avais donné rendez-vous à un gars. J'avais affiché une toile sur le web et l'avait trouvée superbe. Il avait accepté de me l'acheter et c'était ici que l'on devait se rencontrer. Évidemment, cette toile n'était pas de moi. C'était plutôt d'une fille que je connaissais bien. J'étais parvenu à lui faire croire que cette oeuvre n'attirerait pas beaucoup l'oeil des gens. Elle m'avait cru et s'en était débarrassé, croyant naïvement les critiques que j'avais portés sur son oeuvre. Au fond de moi, je voyais bien le potentiel de cette toile et je savais qu'elle pourrait m'apporter une certaine somme d'argent. Probablement assez pour me permettre de faire la fête ce week-end et de m'éclater comme un fou...

La toile n'était pas très grande et j'avais réussi à la dissimuler dans un sac à dos. Les gens étaient convaincus que c'était un sac qui contenait des trucs comme de la nourriture, un appareil photographique, etc... C'était bien l'intention que je voulais montrer afin de ne pas éveiller de soupçons, car, honnêtement, combien de gars se pavanait dans les parcs naturels avec une peinture dans les mains?

« Elle est où la toile? »

« La voilà.» Je la sortie du sac et lui tendit.

«...»

« Quoi? »

« Elle est plus petite, non ?»

« Pas du tout. »

Étant trop hésitant, j'ajoutai sur un ton sec:

« T'en veut pas, dis-le. J'ai pas envie de rester planter là jusqu'à ce que tu te décides. Tu n'es pas le seul intéressé par cette toile, je trouverai bien quelqu'un d'autre...»

«Non... ça va, je la prends.»

Il me donna l'argent et moi je lui remis la toile. Il n'avait pas l'air très satisfait, mais moi, j'avais eu ce que je voulais, alors, je me foutais bien de sa réaction.

Je mis l'argent dans mon sac, le sourire aux lèvres, ravi par ce que je venais de faire et commençai à marcher pour me diriger vers la sortie des serres...

Je venais à peine de quitter ce type que j'aperçue Ella.. Et merde!

Je dois avouer que j'ai paniqué à cet instant. J'ignorais si elle avait vu le type avec la toile et honnêtement, cela me stressait...

Elle s'avança près de moi et je lui dis, avec un sourire hypocritque:

« Hey, Ella ! Comment vas-tu? »

J'étais nerveux , mais ne laissai rien paraître, il ne fallait pas qu'elle se doute de quoi que ce soit...

La nature, certains l'aime sauvage, d'autres l'apprécient en couple, certains aiment la peindre, d'autres la croquer pour ma part je ne sais pas vraiment. Je ne ressens pas ce que les autres peintres voient, comme si le vert, les arbres et la beauté naturelle ne rentrait pas dans ma compréhension du monde. Que voir dans ce vert qui ne m'intéresse pas, ce n'est que le mélange de deux genre jaune et bleu qui créé cette couleur qui ne me semble en fait pas très joli. Bien loin de mon noir et de mes rouges sanglants, cette nature ne m'inspire pas mais je n'ai pas le choix du lieu, je dois passer par là pour me rendre à mon exposition. Comme si cela m'intéressait vraiment mais bon ignorer une invitation de la National Galerie ne se fait pas, du moins on m'en a convaincu alors je suis partie ce matin.

Je marche dans les parterres mon sac sous le bras mon regard vide fixé sur le sol. J'ai découvert récemment un jeu drôle, du moins les enfants qui y jouaient riaient aux éclats. Alors c'est le visage qui fixait le dallage au sol que j'avançais, le principe était simple il ne fallait marcher qu'en utilisant les mouvements du cavalier des échecs soit 2 cases devant et une sur le côté. Peut être une démarche qui interpelle les autres personnes sur le chemin mais je n'y fais pas attention. Je reste concentrée dans mon jeu avançant lentement d'une case puis l'autre restant bien sur les dalles une fois dessus. Qu'est ce qu'ils avaient dit ? Que si on ne le faisait pas on tomberait dans un précipice... Quelque part ça devait sembler stupide aux autres de croire à ça mais si c'était vrai et que me tromper me ferais vraiment chuter ???

Et puis de toute façon qu'est ce que cela pouvait faire aux autres de me voir "jouer" ma vie en avançant marche par marche à un rendez vous que je n'avais pas envie d'atteindre. Le pire avait été l'heure et demi de torture au centre de beauté offert par la galerie. Ca non plus je n'avais pas pu y couper, enfin ils avaient eu raison sinon j'aurais sans doute présenté ma personne avec mes cheveux pleins de peintures et mes mains tachées. D'après l'esthéticienne j'étais maintenant présentable, comme si cela m'intéressais, j'avais quitté l'établissement avec une robe de saison légère et fluide tout en restant relativement chaude en prévision de la soirée. Les courts talons blancs assortis me mettait mal à l'aise même si je savais marcher avec je n'étais pas vraiment friande des dernières nouveautés en matière de mode.

J'avançais donc avant de relever la tête à une voix qui m'interpellais, m'arrêtant sur ma dalle en rassemblant mes deux pieds sur la même marche penchant doucement ma tête sur le côté. Au moins le coiffeur avait respecté mon désir de les avoir libre, les attacher ne m'aurait pas plu du tout. Je fixais mon interlocuteur souriant un peu en le reconnaissant. C'était rare les personnes qui me connaissaient, encore plus celles qui ne me jugeaient pas sur ma bizarrerie et encore plus rare celles qui étaient franches avec moi sur ma peinture. Ce qu'il faisait là je ne savais pas, mais dans la politesse on doit répondre au salut et faire quelques phrases. Je lui souriais donc et cherchais dans ma mémoire ce qui était normalement d'usage ici et je ne trouvais qu'une seule chose à répondre à son sourire.

« Bonjour Kieran, comment vas tu ?  »

Ok ce n'est pas très loquace mais bon je venais de faire quand même un effort sur moi même comme il le savait surement. Sourire n'était pas dans mes habitudes et encore moins de paraître "normale" j'étais presque gêné qu'il me voit attifée comme une poupée qu'on manipule pour des intérêts qui ne sont pas les miens mais ceux des autres. Je baissais mon regard et reprenais lentement ma marche pour venir à sa hauteur tout en respectant toujours mon jeu. C'était presque plus important pour moi que l'exposition dans laquelle je devais faire une apparition. Je relevais le regard sur lui et penchais légèrement la tête sur le côté. Est ce que cela me semblais bizarre qu'il soit là, pas vraiment, j'avais croisé bien plus étrange que ce jeune homme qui était franc quand à mes toiles.

« Que fais tu ici ? »

C'était une question simple qu'il pouvait esquiver si cela l'arrangeait, moi cette rencontre me faisait "plaisir" dans le sens où plus de temps je passerais à discuter avec lui moins de temps je resterais à faire le piquet dans un endroit qui ne me convenait pas. Je cherchais donc avec intensité dans ma mémoire ce que les gens faisaient dans ce genre de situation pour prolonger une rencontre surprise, mon regard posé dans le sien sans réellement montrer la moindre émotion. C'était mon regard qui gênait les gens en général pourtant les quelques fois où je l'avais croisé il n'avait pas détourné les yeux. Dans mon esprit compliqué et abstrait il était parmi les rares qui ne me voyaient pas comme un monstre mais plus comme un être égaré qu'on doit aider. Je ne me posais pas la question de savoir ce qu'il faisait c'était juste pour poursuivre la conversation et ne pas me diriger vers ma torture trop rapidement...

a question me fit comprendre qu'elle ne m'avait pas vu. J'ai eu beaucoup de chance car Dieu seul sait ce qu'elle aurait pu faire. Elle aurait pu, logiquement, me poursuivre en justice et ainsi me soutiré une immense somme d'argent. Ce n'était pas tant la poursuite qui me dérangeait, c'était de savoir que je ne pourrais plus vendre ses tableaux. Elle avait un immense talent et plusieurs se battaient pour ses oeuvres et j'étais ravi de voir que c'était moi qui bénéficiais de ses talents. Le fait de prendre ces tableaux qu'elle croyait médiocre, de trouver quelqu'un pour les acheter et de lui donner rendez-vous m'apportait un sentiment de plaisir, quelque chose de valorisant même. L'argent que je recevais à la suite de ces ventes ne m'intéressaient que très peu, voir pas du tout même. Il m'arrivait parfois de vouloir jeter ces bouts de papiers, de les brûler même parfois, mais bon, l'envie soudaine de boire ou de fumer me prenait et j'allais dépenser ce profit dans un bar afin de me féliciter du coup que je venais de faire.

Je lui souris et m'empressai de lui répondre:

« Oui, je vais très bien... Et toi? »

Sa deuxième question m'inquiéta un peu. C'est vrai, qu'est-ce que je pouvais faire ici ? Je détestais la nature, pourquoi je serais venu à cet endroit? Je devais trouver une explication au pourquoi j'étais tout en restant le plus crédible que possible. Je ne devais éveiller aucun soupçon de sa part car elle pourrait commencer à douter de moi et à vérifier mes moindres faits et gestes. Ce que je faisais était très risquer, le moindre faux pas et j'étais fait !

J'hésitai un peu avant d'ajouter:

« Eum... Je voulais m'inspirer pour un prochain photoshoot... Je sais que la nature c'est très à la mode et en demande ces temps-ci... Je crois que ce site serait très intéressant pour des photos...»

Je disais vraiment n'importe quoi. Je venais tout juste d'improviser une réponse que j'espérais qu'elle allait croire. Cette réponse me semblait logique et collait bien à la réalité. J'étais photographe et je cherchais une idée pour un photoshoot... En y pensant, ça se tenait bien. Mais bon, je n'étais pas sur de mon coup...

Afin de ne pas lui permettre de trop penser à ce que je venais d'inventer, je m'empressai de lui retourner la question:

« Et toi, qu'est-ce qui t'amène ici? »

De cette manière, je l'espère,  je ne lui laissait pas le temps de réfléchir à ce que je venais de dire et ainsi lui permettre de trouver une faille dans ma réponse.

Et voila la question de retour auquel elle ne savait pas quoi répondre en général faisant juste comme ce qu'on entend par tout le monde. Même si c'était stupide, même si c'était inutile puisque le simple fait de répondre bien était une utopie. Elle se demandait même pourquoi les gens lui poser la question, et se demandait réellement ce qu'ils feraient si elle leur répondait cash * Et vous ? Comment vous sentiriez vous si vous aviez perdu votre moitié et vos parents ensuite ?* C'était une bonne question tiens elle allait demander ça aux autres quand il l'embêterait de trop à cette exposition.

« Je vais .... Bien.  »

Est ce qu'elle avait recommencé à avoir les yeux dans le vide quand elle réfléchissait peut être. De toute façon il était une énigme pour elle, la seule peinture qu'elle avait fait de lui elle ne lui avait pas montré. Elle s'était faite peur elle même devant ce double visage noir d'un côté et blanc de l'autre. Comme s'il était un fantôme avec deux âmes séparées, rien que d'y repenser et elle frissonna. Elle n'aurait pas du la faire en plus elle s'était sans doute trompée encore une fois cela lui arrivait souvent en ce moment. Elle le fixa pendant qu'il expliquait ses raisons et sourit à l'idée de le voir travailler.

« C'est vrai que tu as plus de contrainte que moi, au moins mes toiles ne me demandent pas de mettre des oiseaux qui chantent ou de la nature dedans. »

Elle laissa une pause avant de répondre à son autre question, simplement parce qu'elle était gênée. Elle se moquait de la renommée qu'on lui prêtait, peindre elle le faisait uniquement pour tenter de se trouver une raison d'exister pas pour l'argent ou la reconnaissance d'inconnus. Enfin la vie était toujours pleine de ses personnes "bien comme il faut" et qui avaient toujours besoin de se mousser entre eux. En ce moment ce qui l'ennuyait le plus étaient ceux qui se "battaient" pour dire qu'ils l'avaient découverte elle en premier. C'est donc en soupirant et en laissant son visage s'assombrir qu'elle commença à parler.

« J'ai un vernissage dans le centre où je suis conviée .... Et où je dois aller .... Même si je n'ai pas envie de ressembler à une poupée qu'on expose avec ses tableaux comme un singe savant .... »

Elle était injuste, beaucoup d'artistes rêveraient sans doute de sa chance et elle faisait sa difficile avec ses humeurs. Elle tira sur la robe pastel d'une main et ses cheveux longs lissés et propres de l'autre.

« J'ai plus l'impression d'être une barbie qu'autre chose là .... »

C'était vraiment dégoutant d'y penser mais vu ce qu'on lui demandait en ce moment de faire ce n'était pas si loin de la vérité. Elle aurait donné de l'argent pour qu'on la laisse tranquille et pour peindre quelque chose au lieu d'aller voir les gens qui commenterait ses peintures alors qu'à ses yeux ce n'étaient que des portraits. Elle lui aurait bien demander de l'accompagner ou de lui donner n'importe quel excuse pour ne pas apparaître mais elle se demanda comment il le prendrait. Il était un de ses rares "amis" et elle ne voulait pas le perdre ou même de courir ce risque.

« Tu as déjà repéré ce qu'il te fallait ou tu as encore quelques endroits à vérifier ? »

N'importe quoi qu'il lui proposerait et elle le suivrait juste pour éviter à la torture qui l'attendait. C'était presque trop pour elle de lui demander ça aussi elle baissa les yeux, ajoutez à un caractère effacé un sentiment d'ennuyer le monde dès qu'on ouvre la bouche pour demander quelque chose et vous aussi vous ne demanderiez plus rien à personne...

« Je vais .... Bien.  »

Je paniquais. Son regard vide, le ton qu'elle utilisait pour parler... J'étais convaincu qu'elle savait ce que j'avais fait, ce que je faisais réellement ici. Je me voyais déjà devoir retourner en cours et retomber dans les bras de ce cher Voltaire qui veut ma peau... Mais bon, je devais rester en confiance et faire mine de rien tant qu'elle n'aurait pas commencé à me demander des explications et là même encore, je devrais continuer à mentir...

Cependant, ce qu'elle ajouta me fit comprendre que je ne courais pas de danger présentement. Elle ne se doutait donc de rien... Cependant, sa phrase me laissa en réflexion...

La photographie et la peinture était deux styles d'art complètement différents, mais avec tout de même beaucoup de particularités communes. Elles n'étaient pas visible et demandaient beaucoup de réflexions, mais elles étaient tout de même présentes.

La photographie ne demandait pas d'habilités des mains. Ce n'est pas l'artiste qui fait l'oeuvre, mais la nature, le paysage, le décor... Le photographe n'a qu'à prendre des éléments du communs, les jumelés ensemble et ainsi, il crée son oeuvre. Il n'a besoin que de bons yeux, des yeux qui voient en chaque détail minime une importance grandiose. D'ailleurs, le souci du détail est très important. En effet, le moindre détail a un impact sur la photo, que ce soit un vent qui souffle dans la mauvaise direction ou le soleil mal placé. C'est suffisent pour faire rater la photo...

Contrairement à la peinture, où c'est le peintre qui choisit des détails présents sur sa toile et de l'effet qu'ils apportent. Un soleil pouvait avoir un effet sur une toile et en avoir un complètement différent sur une autre toile.

Cependant, dans les deux cas, l'artiste doit et savoir utiliser son imagination pour retranscrire son idée, sa pensée de sa tête au papier, ce que plusieurs êtres humains ne sont pas en mesure de faire.

Sa remarque avec les singes me fit sourire, mais une nouvelle fois, elle avait raison. Les gens venaient voir l'oeuvre et non celui et celle qui l'avait créée. Quand j'exposais mes photos, très peu de gens pouvaient me reconnaître parmi la foule de gens entournant les photos. J'étais qu'un courant d'air, une statue qui se tenait face aux photos et qui attendait impatiemment la fin de cette p*tain d'exposition pour retourner chez moi.

Elle me posa une question et j'attendis avant de répondre. Je voulais lui donner l'impression de réfléchir alors qu'honnêtement, la réponse était toute simple. Je n'avais rien à faire ici, ou du moins, ce que j'avais eu à faire était fait, je pouvais donc m'en aller d'ici et retourner chez moi. Je ne pouvais pas lui dire cela, évidemment, sinon, elle allait être au courant pour sa peinture que je lui avais «volé» et vendu dans son dos. Je ne voulais pas réellemment ses toiles, mais disons que je la forçais un peu de me les donner. Je lui faisais croire que certaines de ses toiles seraient un flop alors qu'elles avaient un énorme potentiel. C'était pas très sympa , mais bon, quelle autres façons pourrais-je utiliser pour lui prendre sans qu'elle ne se doute de quelque chose?

Après une fausse réflexion de ma part, je répondis:

« Non, je n'ai plus d'Affaire ici... C'est loin ton vermissage? »