Je croyais qu'on avait fait le plus difficile, mais je me trompais : le plus difficile, ce n'est pas d'obtenir ce que l'on veut, mais de savoir le garder.

stubborn love

J'vivais à l'envers. Le jour, je pieutais comme le pire des gros porcs et le soir, c'était le début d'une nouvelle journée. J'étais complètement déboussolé, c'était pas possible. Londres, ça me rendait dingue, sérieux. Allongé sur mon lit, à fixer le plafond, je me passais une main sur mes yeux fatigués, pas encore prêt à me lever. C'était compliqué en ce moment. Mais d'un côté je m'amusais bien. Les gens étaient tellement bêtes, tellement stupides, ils ne comprenaient rien, mais vraiment rien. Je pouvais leur servir des mensonges à la pelle, ils les gobaient tous. Je méritais un oscar, une palme d'or ou un Golden globe pour ce rôle joué à la perfection et douze heures sur vingt-quatre.

Cependant, ici, j'avais rencontré des serials menteurs de taille, devenus des alliés maintenant. Nous nous étions même mis en colocation ensemble... enfin, en colocation, la vraie version était plutôt que nous squattions les deux le manoir de Voltaire où il vivait déjà avec sa poule (fort bien gaulée, d'ailleurs). Peut-être que je commençais à voir en eux de potentiels bons amis mais rien n'était sûr. Ils étaient tous les deux aussi malhonnêtes que moi. Pourtant, nous étions dans ce même état d'esprit : ici, dans un but bien précis. D'ailleurs, mon affaire n'avançait pas beaucoup. Je me renseignais discrètement sur Soulman mais il était plutôt discret ce furet, enfin, je pense plutôt que je n'avais pas croisé les bonnes personnes. En plus, je faisais ça mollo pour ne pas éveiller trop de soupçons, et oui, personne ne devait savoir que vous le manteau du gentil voisin Shane, il y avait quelque chose de plus sombre, de plus noir. Treize minutes. Treize minutes précisément. Le temps qu'il me fallut pour pisser, boire une gorgée de café froid dégueulasse que quelqu'un avait laissé et pour m'habiller d'une manière un peu plus décente qu'un bas de pyjama. Pauvre Mina, qu'est-ce qu'elle ne devait pas endurer tout de même... Enfin, à la vue de mon corps, si j'avais été une femelle, je ne me serais pas trop plaint. Mes deux compères n'étaient pas aussi bien mais ils valaient le détour. Mina avait touché un bon jackpot avec Voltaire même si le cas de sa « fiancée » lui importait autant que si on lui parlait d'un pauvre gosse africain qui crevait la dalle. Enfin soit, on s'en fout de Mina même si Voltaire s'en fichait aussi, on ne la touchait pas. De toutes façons, on avait déjà d'autres personnes en vues. La moitié de la ville pour ma part, Pandora pour Voltaire et l'autre n'avait personne, prétendait-il mais son jeu avec Lyra ne trompait personne.  

Sorti du manoir, mes pas me menèrent directement jusqu'au bar du quartier est. C'était notre bar. Là où j'avais fait leur rencontre, le bar où j'faisais quelques rencontres qui ne mèneraient pas à grand chose, le bar où j'allais quand j'avais besoin de me saouler un peu la gueule. Ça menait à rien, j'en étais conscient mais dans ce monde de fou, un peu d'ivresse de quelque chose était bienvenu. paraît que ça faisait un peu ça d'être amoureux. Sauf que c'était moins cher qu'une fille, pas besoin d'entretien et c'était beaucoup moins chiant aussi.

Je poussais la porte du bar et tout de suite, fut happé dans cette ambiance que je connaissais bien. Cette atmosphère glauque, dégueulasse, louche que j'affectionnais par dessus tout. Il n'y avait pas de filles encore mais les premières n'allaient sûrement pas tarder à faire leur show. « Un scotch, comme d'hab, s'teuplé. » Pour toute réponse, le barman hocha la tête en faisant un signe de la main tandis que j'allais m'installer dans un coin reculé de la salle. Les personnes commencèrent à venir petit à petit et déjà, le volume sonore avait pas mal augmenté. Après avoir vidé mon verre de scotch, j'allais passer un coup de fil aux toilettes, histoire d'avoir un peu de calme. C'était ma cousine Marla et je ne pouvais donc pas zapper ce coup de fil. C'était une règle d'or que je m'étais fixée car dans ma tête, elle courrait toujours un danger. Finalement, ce n'était qu'un appel de courtoisie mais je fus quand même ravi de l'avoir. Je sortis dès que j'eus fini. Ouvrant la porte sans beaucoup de douceur, directement en sortant, je percutais quelqu'un. Une serveuse, en plus. Préparant déjà mon rôle de parfait gentleman, je lui tendis une main : « Oh, mademoiselle, excusez moi, je n'ai pas fait attention. » Soudain, je m'aperçus que la « mademoiselle » en question ne m'était pas vraiment inconnue. « Ivy ! Toi. Ici. » Ah mais oui, c'est vrai, elle travaillait ici, j'avais complètement zappé vu que les heures que lui donnait son patron c'était du n'importe quoi et que cela ne concordait jamais avec les moments où je venais. « Ah oui, j'avais oublié que tu bossais ici. Désolé, j'ai pas fait gaffe. Pour une fois qu'on se croise, c'est pas vraiment le meilleur des accueils. » Joli sourire, regard amusé, oui, j'avais dégainé directement toutes mes moues de séducteurs.

Je croyais qu'on avait fait le plus difficile, mais je me trompais : le plus difficile, ce n'est pas d'obtenir ce que l'on veut, mais de savoir le garder.

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Orion était avec Pandora, qui, par ailleurs, était enceinte de lui. Ils allaient vivre d'amour et d'eau fraîche avec un gosse pour parfaire leur image de parfait petit couple. Parfait. Ivy n'allait pas se gâcher la vie pour un type qu'elle avait embrassé qu'une seule et unique fois. Et après tout, qu'avait-il de plus qu'un autre ? Un quotient intellectuel bien au-dessus de la moyenne, certes. Mais d'autres types pouvaient être tout aussi intelligent que lui non ? Un physique avantageux, d'accord. Mais son demi-frère aussi non ? En plus de ça, il aimait Pandora. Fin de l'histoire. Si Ivy s'écoutait, elle l'attendrait des années durant jusqu'à ce qu'elle ressemble à une vieille peau toute fripée. Pas le top comme programme quand on y repensait. Pourquoi ne pas se taper la moitié du quartier en attendant qu'Orion réalise que Pandora n'était pas pour lui ? En voilà une bonne idée. Hommes, femmes, tout y passerait. Ivy une nymphomane ? Mais non, mais non. Simplement, la blonde n'était pas du genre à vouloir rentrer au couvent. Et même si elle le souhaitait, elle ne serait pas acceptée. De plus, la jeune femme trouvait que se donner à Dieu - si on peut dire ça comme ça - était une chose absolument absurde. Comment pouvait-on aimer à ce point un truc qu'on avait jamais vu ? Bref, ce n'était ni le lieu, ni le moment d'avoir des réflexions de ce genre. Des clients attendaient d'être servis et visiblement les autres serveuses étaient bien trop occupées pour s'en charger. Elle se massait le front, épuisée, attablée à une table inoccupée. Ses yeux étaient cernés, suite à une nuit d'insomnie causée par un inconnu particulièrement à son goût et une réminiscence de pensées qui l'avait prise. Ses lèvres laissèrent passer ce liquide noirâtre qui brûla légèrement sa gorge avant de venir s'échouer dans un estomac vide qu'elle comptait bien remplir.  Ivy avait ce charisme qui plaisait, qui attirait. Elle savait se montrer aimable et pleine de politesse tout en pouvant ressortir cette noirceur liée à un caractère bien trempé, pouvant se montrer même cruelle avec ses ennemis. Et elle savait parfaitement séparer le jour et la nuit, qui pourrait-penser en la voyant qu'elle travaillait dans un tel endroit ?

Quoique ce n'était pas bien étonnant quand on connaissait la jolie blonde. Mais qui la connaissait réellement dans ce quartier ? Marla, sa meilleure amie, qui elle connaissait sa vie en long, en large et en travers. ? Celle qui supportait ses changements d'humeur, son humour à deux balles et son côté volage ? Qui essayait tant bien que mal de la résonner ? Oui, on pouvait dire que la rousse la connaissait. Il y avait Dexter qui connaissait même les détails de sa vie, celui en qui Ivy avait trouvé un véritable ami. Et il y avait Shane qui lui faisait tourner la tête et qu'elle défendait du mieux qu'elle le pouvait contre les critiques et les rumeurs qui circulaient au sujet du beau brun ténébreux. Pourquoi Ivy faisait-elle cela ? Elle n'en n'avait pas la moindre idée. Peut-être parce qu'elle n'appréciait pas qu'on juge un de ses amis sans même prendre le temps de le connaitre. Car quand on le connaissait, il valait vraiment le détour comme type. Et il était différent des autres mecs qu'Ivy connaissait. Lui, elle ne voulait pas le mettre dans son lit. Elle l'aimait bien, c'est tout. Mais la blonde ne pouvait pas penser à Shane, Orion ni même à Pandora. Et même si la demoiselle s'entendait bien avec son patron et qu'il se trouvait qu'elle obtenait parfois ses faveurs, si elle ne faisait pas son travail correctement, elle pourrait faire une croix sur son salaire. Cependant, même avec toute la volonté du monde, Ivy ne pouvait pas rester concentrée sur une tâche plus de cinq minutes. Voilà le deuxième verre qui volait en éclats tant la blonde avait l'esprit occupé. Cette brune la hantait nuit et jour et même si la serveuse essayait tant bien que mal de se convaincre qu'elle aimait Orion, elle devait avouer que Pandora la rendait complètement folle. Elle attisait sa curiosité. Ivy voulait tout simplement l'essayer pour savoir ce que c'était d'être avec une fille plus d'une nuit. C'était tellement tentant.

Alors que la blonde se dirigeait vers la réserve, un plateau tenant en équilibre sur l'une de ses mains, la porte des toilettes la frappa de plein fouet, faisant tomber le plateau et Ivy par la même occasion. La jeune femme échappa un juron tout en se massant l'arrière de la tête. « Oh, mademoiselle, excusez moi, je n'ai pas fait attention. » Elle leva la tête et un large sourire se dessina sur les lèvres lorsqu'elle reconnut Shane. Avait-il trop bu pour ne pas la reconnaître ? Il n'avait peut-être plus les yeux en face des trous. C'était fort possible, le connaissant. « Ivy ! Toi. Ici. » En quoi était-ce étonnant de la croiser alors qu'elle travaillait ici ? Vraiment, il n'avait pas toute sa tête ce soir. « Ah oui, j'avais oublié que tu bossais ici. Désolé, j'ai pas fait gaffe. Pour une fois qu'on se croise, c'est pas vraiment le meilleur des accueils. » La jeune femme se releva avec l'aide du brun. Pourquoi s'était-elle promis de ne pas lui sauter dessus déjà ? « Pas vraiment non. » plaisanta Ivy tout en ramassant les débris de verres au sol. Décidément, ce n'était pas sa soirée. « Qu'est-ce que tu fais ici Shane ? Tu ne devrais pas fréquenter ce genre d'endroit... c'est plutôt mal vu tu sais. »

Je croyais qu'on avait fait le plus difficile, mais je me trompais : le plus difficile, ce n'est pas d'obtenir ce que l'on veut, mais de savoir le garder.

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La vie était tranquille à Yellowsky. Ce n'était pas quelque chose dont je me plaignais. J'aimais beaucoup observer les gens d'ici. Ils étaient tous très différents, Yellowsky ressemblait à une copie de la Terre mais réduit à une ville. On trouvait de tout, vraiment, mais comme dans le reste de la population chacun avait quelque chose de spécial et on se fréquentait entre personne de la "haute". Je n'en faisais pas partie. Je commençait à connaître des gens de réputation maintenant que j'étais bel et bien installé. Mais je m''en fichais pas mal du montant d'argent dans le compte en banque de chacun. Moi-même je vivais modestement mais je savais les valeurs que je possédais et la richesse de mes nombreux atouts et qualités. Ce qui me manquait le plus, c'était la mer et les vagues. Certains pourront dire que je deviens trop vieux pour ce genre de choses mais c'est comme regarder une jolie femme, surfer, on ne s'en lasse jamais. Je me révélais plutôt débrouillard en peinture mais bon dieu, que cela commençait à être ennuyeux. J'avais besoin de prendre quelques risques. Et même, je n'aimais pas le surf pour les risques. J'aimais pour la sensation, j'aimais pour l'odeur, la texture de la planche, la beauté, le goût des gouttes qui m'éclaboussent, j'aimais tout. Surtout les détails qui faisait que c'était devenu une passion, quelque chose de très personnel. C'était précieux, ces moments, et en aucun cas je trouvais le même plaisir que j'avais de surfer quand je peins. Je pensais sérieusement à me trouver un boulot en dehors, histoire de me donner une excuse pour ne pas plaindre. Ou alors, essayer de me trouver de bons sujets et de bons modèles.

Voilà à peu près le tour des pensées qui me venaient en tête, assis au fond de ce bar qui ne m'inspirait pas grand chose. Mes pas m'avaient conduit ici parce que c'était devenu une habitude. J'étais loin d'être alcoolique ou alors un vieux pervers à m'exciter sur des filles qui dansent. Non, je n'étais pas friand de ces femmes qui offraient tout. Elles semblaient insaisissables certes mais j'aimais découvrir les femmes. Leurs différences, leurs ressemblances, ce qui faisait d'elles des êtres uniques. Le charme qu'elles avaient, leurs mimiques. J'avais toujours eu un don pour trouver les détails, pour traquer le moindre petit grain de beauté qui traînait ou pour trouver la signification du tatouage qu'elles avaient. J'étais raide dingue des demoiselles. Des fois j'étais plus raides dingues d'elles que de ma propre personne alors... vous voyez le genre. J'avais la tête ailleurs et je n'avais vraiment pas pensé que quelqu'un puisse passer derrière cette porte au même moment où j'allais l'ouvrir. Et puis, c'est pas vraiment malin de mettre cette porte là. Je refermais la porte derrière moi et découvris une femme à la magnifique chevelure blonde, accroupie, à essayer de ramasser les dégâts de mon erreur. Cherchez l'erreur. Après m'être excusé, mon côté gentleman me fit m'accroupir près d'elle afin de ranger tout ça et de faire en sorte que ni elle ni moi ne nous tranchions la peau. Elle me reprocha gentiment ma bêtise et je ne relevais même pas. Laissant tomber un peu tout ce bazar, je me débarrassais des quelques morceaux de verres restés entre mes doigts pour prendre la main d'Ivy et de l'aider à se relever. Je pris ses mains et prit les bouts de verres qu'elle tenait entre ses doigts pour les remettre par terre. « Lâche ça, on s'en sortira mieux avec un balai. Dis-moi où il est, je m'en occupe. C'est de ma faute. » Au lieu de me montrer l'endroit des produits ménagers et des balais, elle me reprocha d'être ici. Je fus surpris qu'elle employât l'expression "c'est plutôt mal vu avec moi". « Ivy, depuis quand est-ce que je me soucie de ce qui est bien vu ou non ? Regarde toi, je pourrais te dire que c'est mal vu d'être avec moi, non ? Ca marche aussi. Et puis, qui est-ce qui m'empêche d'aller dans un espèce de bar morbide ? Par contre, c'est pas un endroit pour toi. Tu devrais pas travailler ici. C'est dangereux pour les jolies filles comme toi avec tous ces vieux pervers dans le coin... et les têtes-en-l'air comme moi. » Je fis un sourire en coin en désignant la porte d'un signe de tête. « Bon alors, ce placard à balai ? Le sol ne va pas se nettoyer tout seul. » Je reculais d'un pas et vit, à la lumière artificielle à quel point la blondinette avait l'air d'avoir été sous drogues pendants ces cinq derniers jours. Elle était comme un ange gardien pour moi et la voir dans cet état-là me faisait décidément quelque chose. Un je-ne-sais-quoi... de l'inquiétude ? Je... je n'avais pas l'habitude d'être inquiet pour un autre sort que le mien. Elle restait jolie, c'est sûr, toujours ce magnifique sourire sur son visage mais quelque chose de triste ressortait. De la tristesse, de la fatigue, peu importe. Elle n'avait pas vraiment l'air aussi joyeuse qu'elle laissait paraître. Revenant vers elle, je la fixais du regard et levais une main vers sa joue. « Tu es sûre que ça va ? » Ivy n'était pas une fille à pleurer sur son sort, je le savais. Elle était forte de caractère, très indépendante et avait l'habitude de prendre sur elle. Qu'espérais-je en lui demandant ça ? Qu'elle se confie à moi ? Peut-être...