Robyn, au marché. Bio, de surcroit. Qui aurait pu croire qu’elle allait finalement se ranger et se décider à manger correctement ? Certainement pas elle, c’était plus que certain. D’autant que se lever aux aurores n’avait jamais vraiment été dans ses habitudes. Toutefois, elle voulait changer ses habitudes. Tout d’abord, parce qu’elles étaient mauvaises. Vraiment, et il était grandement stupéfiant qu’elle soit toujours aussi svelte, considérant le fait qu’elle ne faisait pas le moindre sport. D’un autre côté, on ne pouvait pas dire que Robyn était une jeune femme calme. Au contraire, elle n’était rien de moins qu’un véritable paquet de nerfs. Sans doute était ce la véritable raison. Ajouté au fait qu’elle avait toujours une santé de plomb et ne prenait pas le genre de saloperies que d’autres, très proches d’elle, prenaient bien trop pour leur propre bien. Quittant son appartement pour se diriger d’un pas vif vers le marché, la jeune femme soupira et s’enjoignit à ne pas penser à Dexter. Elle craignait pour sa vie à chaque fois qu’elle pensait à lui. En partie à cause de ses addictions, et en partie à cause de Shane. A le voir, on aurait pu lui donner le bon Dieu sans confession, même en sachant qu’il n’était rien de mieux qu’un dealer. Elle l’avait su dès le début et pourtant, elle s’était prise au jeu. Un peu trop, d’ailleurs. Si elle avait su garder ses distances, rester dans la comédie, le mensonge et ne pas choisir la facilité comme elle l’avait fait, sans doute les parents de Dexter seraient ils encore en vie. Elle-même et son ami n’auraient pas eu besoin de fuir en Europe. Avec des si, on referait le monde. Robyn se mordilla la lèvre, pensive, culpabilisant toujours un peu. Mais elle n’était pas du genre à se morfondre. Elle arriva sur le marché et la vue des légumes lui souleva le cœur. Pourquoi s’infligeait elle pareille torture ? Pour que personne ne la retrouve ? Quelle douce utopie ! Elle ne le savait pas vraiment, au fond. Peut être était ce, au fond, plus pour elle-même que pour autre chose. Pour donner un nouveau départ à sa vie, pour penser qu’elle n’était pas qu’une journaliste opportuniste et amorale. Même si elle devait avouer que pour l’heure, elle l’avait toujours été, sans franchement chercher à en changer. Prenant une grande inspiration, comme si elle allait faire le saut de l’ange, Robyn commença à avancer parmi les stands, pour finalement jeter son dévolu sur celui d’un vieil homme aux cheveux grisonnants, presque blancs. Il lui sourit et elle répondit par un sourire, observant les légumes, réalisant qu’elle ne connaissait pas le nom des trois quarts d’entre eux. Elle les observait toujours, non sans une certaine perplexité, lorsque la voix d’un homme la tira de sa rêverie. Impossible. A quel point devait elle être malchanceuse pour que, outre le fait qu’il la retrouve à Londres, elle le croise, en prime, pile au moment où elle est au marché ? A un point clairement incommensurable. Elle tourna à peine la tête mais cela fut amplement suffisant pour confirmer sa crainte. C’était bien l’homme qu’elle fuyait qui parlait précisément au vieil homme qui lui souriait un instant plus tôt. Elle songea à courir, mais elle n’avait jamais été une sprinteuse et Shane la rattraperait en à peine trois enjambées.

Quand on vivait avec des gars aussi malhonnêtes et vicieux que soi-même, le problème n'était pas de savoir qui pouvait commander, non, loin de là. Le problème était de savoir qui allait s'occuper de toutes les tâches ménagères, notamment faire les courses. Si nous avions été de bons gros machos, ses tâches auraient tout de suite été désignées comme le "boulot officiel" de Mina sauf que bon, les trois restaient des gentleman avec la gente féminine et avait une réputation à tenir. En personnes à peu près adultes et bien organisées, on avait décidé d'un planning des tâches et chacun était chargé de faire quelques choses pour le bien-être de tous. Et oui, cette fois, ce fut moi qui fut chargée de la partie "courses". En plus, nourrir des gars qui mangeait la part de tout un régiment à chaque repas... c'était plutôt délicat. En plus, je savais pas trop leur goût en matière de bouffe (enfin si : tout et n'importe quoi) donc j'essayais de me débrouiller comme je pouvais. On aurait pu se rabattre pour bières et pizzas à chaque repas mais c'était pas forcément recommandé. Donc, me voilà, moi, de bon matin au marché pour pouvoir choisir des trucs assez frais. En fait; j'étais allé au marché parce que j'avais passé une nuit affreuse. Je ne savais pas pourquoi mais Robin m'était revenue en rêves. Elle était plutôt mignonne à regarder dans mes rêves, si peu vêtue, mais pleins de choses s'étaient également mêlées à ça et cela virait presque au cauchemar. Du coup, j'avais du dormir quoi, deux heures à peine. Après, j'étais descendu peindre un peu, du moins, plutôt faire des pots de peinture parce que je n'arrivais à rien. En somme, je sentais bien la journée de merde qui s'annonçait. Mais ce n'était pas ce genre de pensées qui allait m'aider à choisir ce que je voulais pour nos repas ! Pourquoi étais-je venu m'emmerder dans ses allées qui puaient le poisson et les grillades ? Je crois que devenais un peu fou ou alors... un peu trop "bohème". Oui, c'était peut-être ça. D'ailleurs, je me rappelais m'être dit qu'il valait mieux manger quelque chose de pas trop industriel parce que ce n'était pas bon pour la santé. Oh, Shane, tu débloques. J'étais à deux doigts de faire demi-tour et de rentrer chez moi, pour après ce soir, aller au supermarché avec des produits bien industriels et bien typiques, sauf que mes pas me menèrent vers un stand où je fus attiré... non pas par la jolie chevelure blonde à côté mais par la rougeur des tomates. Le maraicher me demanda si quelque chose m'intéressait et je me contentais de lui faire signe que je regardais seulement. Il insista puis finalement, je cédais. « Bon, mettez moi deux grappes de tomates, et disons, deux salades. Oui, de cette sorte-là s'il vous plait. » Il s'exécuta et je fus sur le point d'aborder la blonde mais je m'aperçus qu'elle venait de disparaitre. Tiens... étrange. Finalement, je rouspétais après le vendeur pour qu'il se dépêche avant de lui donner bien plus que je ne lui devais sans faire attention, pour pouvoir rattraper la blonde. Je vis sa tête -impossible à rater- parmi la foule puis quand elle se retourna pour regarder vers moi (à croire qu'elle me fuyait), je fus frappé de surprise/d'horreur. Oui, elle me fuyait. Elle avait de quoi me fuir, vu que ce n'était personne d'autre que.. « Robin... » Elle vit que je l'avais vu aussi et accéléra ses pas. Voyant la route qu'elle prenait, je me décidais à être plus malin qu'elle et de prendre un raccourci. Pourquoi est-ce que je la pourchassais ? Juste mon instinct de prédateur, juste le jeu. Je courrais presque pour arriver avant elle au carrefour de nos deux routes. Je la vis de loin courir et quand elle se retourna une énième fois pour regarder derrière elle si je ne la suivais pas, je me postais devant elle, lui barrant le passage. « On va quelque part ? »

Shane qui mangeait des tomates et de la salade. Déjà que le monde ne tournait pas rond, là, c’était le pom-pom. La quatrième dimension, même. Au moins, il était si occupé qu’il ne semblait pas l’avoir remarqué. Pas un instant il n’avait tourné la tête vers elle. Et Robyn faisait le maximum pour que, si jamais il le faisait, et elle le connaissait bien assez pour être sûre qu’il finirait par le faire, il ne puisse rien voir d’autre que ses cheveux blonds. Tandis qu’il râlait après le vieux vendeur (les choses ne changeaient jamais, finalement), la jeune femme en profita pour déguerpir vite fait bien fait. C’était le moment ou jamais. D’un pas tranquille, elle enchaina sur un pas bien plus rapide, bien moins détendu. La panique l’envahit soudain. Il ne devait pas la voir. Pas ici. Jamais. Visiblement il savait déjà. Elle aussi. Dexter n’avait pas perdu un seul instant. Elle ne marchait plus aussi sereinement dans les rues de Londres depuis qu’elle savait Shane ici également. Pourquoi s’était elle retournée pour vérifier qu’il ne la suivait pas ? Ce n’était pas le cas, mais lorsqu’il l’avait reconnue, Robyn avait su qu’il changerait instantanément d’avis. Si elle avait continué sa route, il n’aurait pas remarqué qu’elle était sa précieuse petite blondinette. Shane avait dû se sentir plus que trahi lorsqu’elle avait subitement disparu. Dans le meilleur des cas, il serait fou de rage, et n’aurait pas la moindre idée de qui elle était réellement. Elle n’avait aucune envie de le savoir. Sans réfléchir, Robyn se mit à courir, slalomant entre la foule qui commençait peu à peu à s’épaissir. Cela pouvait la ralentir, mais aussi l’aider à se cacher. La jeune femme tourna dans une ruelle et se permit de reprendre son souffle. Il était à présent certain qu’il n’était pas derrière elle. Robyn se remit en route. Avant de s’arrêter dans un sursaut. Il ne pouvait pas être à sa poursuite puisqu’il lui barrait le passage. Elle déglutit, un frisson lui parcourant lentement l’échine. « Oui. En fait, pour tout te dire, j’ai rendez vous chez ma gynécologue. » répondit elle du tac au tac, reprenant contenance. « Parce que tu vois, depuis que je suis partie, j’ai eu une période difficile, alors j’ai du vendre mon corps. » lâcha t’elle avec un petit sourire narquois. « Tu sais, ce corps que tu n’as jamais vraiment aimé. » Parce qu’il préférait tuer les parents de Dexter. Robyn dut se mordre la lèvre pour ne pas cracher les mots qui lui brûlaient la langue au visage de Shane. Elle croisa les bras, faussement lassée et ennuyée. « Tu as autre chose à me dire ou je peux continuer ce que j’avais à faire ? » rajouta t’elle sur le ton de la pimbêche décérébrée, qu’elle n’avait jamais été. Peut être que c’était ce qui avait plu à Shane. Elle n’avait pas vraiment envie de le savoir, en réalité. Cet homme était un grand malade, un psychopathe. Sauf que, contrairement à Dexter Morgan, il ne faisait pas ça pour le bien de la communauté.